Nucléaire : une parole citoyenne méprisée

Climat / Énergie
mercredi 22 février 2023

Prise de position de la Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités

Est-ce que la stratégie énergétique de notre pays serait une affaire trop sérieuse pour le débat public ? Concernant le nucléaire et son avenir, il nous semble que c’est le cas !

Mis en place dans l’opacité et de manière arbitraire dans les années 70 du siècle dernier, le déploiement des Centrales Nucléaires, fortement ralenti après les catastrophes de Tchernobyl et Fukushima, a été encadré par la loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique pour la croissance verte.

Un outil de débat public a été créé en 1995, et son indépendance a été renforcée en 2002 : la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), mais, comme le constate elle-même la CNDP dans un bilan de 17 ans de concertations sur le nucléaire (*), de nombreux sujets, et surtout « la programmation pluriannuelle de l’énergie, sont des débats qui échappent au droit à l’information et à la participation du public ». Alors même qu’elle doit être saisie, selon la loi, pour tout « projet de réforme relatif à une politique publique ayant un effet important sur l’environnement ou l’aménagement du territoire » !

La CNDP a fait le choix de s’auto-saisir, à l’occasion de projets annoncés par EDF à Penly et Gravelines, d’un débat plus large, évoquant la programmation pluriannuelle de l’énergie. Or, ces dernières semaines, le gouvernement comme la majorité sénatoriale ont, sans attendre les conclusions de ce débat, pris des dispositions remettant unilatéralement en cause la loi de 2015 et décidé de relancer la construction de centrales, alors même que, sur la table, des alternatives crédibles existent (scénarios « tout renouvelable » RTE, ADEME et Négawatt).

De nombreux pays européens ont fait le choix d’amplifier le développement des énergies renouvelables pour atteindre les objectifs de 2030, alors que notre gouvernement envisage de construire des réacteurs opérationnels au mieux en 2035. Les associations membres de la Commission Aménagement du Territoire de la MRES partagent les constats de la CNDP :

  • des décisions concernant le nucléaire prises sans tenir compte de la parole citoyenne,
  • manque de transparence et de fiabilité des informations concernant le nucléaire,
  • « Les publics convergent pour considérer que les conséquences du choix de l’énergie nucléaire ne doivent pas être assumées par les générations futures. Le nucléaire est plus qu’un choix industriel, c’est un choix de société ».

Elles constatent de plus la minimisation des études d’impacts, cruciales pour les risques environnementaux à long terme.

En conséquence, les associations de la MRES appellent le gouvernement et le parlement à remettre le processus dans le bon ordre :

1. Débat public 2. Programmation pluriannuelle. 3. Décision parlementaire.

Elles trouvent légitime qu’avant d’engager une nouvelle stratégie énergétique, les différents scénarios soient débattus avec la population de manière équilibrée :

  • contribution réelle à la stratégie nationale bas carbone par la présentation de scenarii alternatifs crédibles, et essor conséquent des énergies renouvelables pour répondre au plus vite aux objectifs 2030,
  • diminution réelle de la dépendance énergétique,
  • risques induits, notamment risques liés à la subversion marine de nos côtes,
  • évaluation par des expertises indépendantes des coûts induits, de la construction au démantèlement, y compris la gestion éventuelle de la fabrication des combustibles et celle des déchets ...

Dans les prochaines semaines, elles prendront ensemble des initiatives pour protester contre ce déni démocratique et pour présenter les choix alternatifs à la relance du nucléaire.

Lille, le 22 février 2023

(*) CNDP - Éclairage nucléaire- février 2023

Communiqué de presse