23 numéro 202 - hiver 2010

mardi 18 janvier 2011
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Edito : complicité XXL...

Nous sommes de plus en plus conscients que notre équilibre et notre santé dépendent dans une large mesure du rapport harmonieux que nous pouvons avoir avec notre entourage humain, ainsi qu’avec le monde de choses dont sont peuplés nos milieux de vie.

Il y a toutefois une part de notre environnement qui déborde, et de beaucoup, les limites des espaces où nous vivons et circulons. Cette part (disons la Terre dans son ensemble, avec ce qui l’entoure et avec ce qu’elle produit) peut nous sembler tout à fait extérieure. Pourtant les divers équilibres qui lui permettent d’exister et qui constituent une sorte de « bonne santé » générale des choses, sont les conditions premières de notre propre survie.

Je suggère d’appeler complicité cette solidarité singulière et profonde qui nous rattache à l’ensemble des choses. Le mot ‘complice’, en bas latin, signifiait : étroitement uni. Être complice, au sens que je propose, désigne par conséquent le fait d’être pris dans le pli, dans le même pli. Nous sommes dans ce pli, nous, et tous les vivants, et toutes les choses inanimées. Solidairement tenus. A la fois héritiers et acteurs de la même histoire. Lancés
dans la même aventure. On pourrait ajouter (car on parle aussi des complices des mauvais coups !) : pour le meilleur et pour le pire. C’est une solidarité de fait. C’est elle qui fait tenir ensemble tous les éléments de l’univers, et cela depuis le Big Bang initial de l’aventure cosmique, qu’il conviendrait en ce sens d’appeler le Grand Dépli.

Cela semble bien lointain ? Que non ! Le philosophe Michel Serres souligne à
l’envi l’implication de l’histoire totale de l’univers en nous. Chaque cerveau individuel, dit-il, est certes vieux de seulement trente ou soixante ans. Mais les couches supérieures (corticales) de ce cerveau datent d’environ cent mille ans, et n’ont pas changé depuis l’émergence de l’homo sapiens. D’autres parties de nos cerveaux remontent à l’âge des dinosaures. Notre ADN a quelques milliards d’années. Et les atomes qui nous constituent datent de la naissance de l’univers. Ainsi le plus lointain est en même temps le plus intime. Notre santé entière se joue à ces différents étages.

Notre propre santé n’est donc plus pensable indépendamment d’une sorte de bonne santé environnementale. Au sens le plus général. Notre implication, notre complicité de fait avec cette totalité, la conscience surtout de partager une grande vie commune, peuvent-elles nous inciter à en respecter davantage les conditions ? A restreindre autant que possible les agressions envers elles, agressions que nous sommes pourtant en train de porter à un niveau jusqu’ici inconnu ?

Claude Wagnon – Administrateur MRES