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Gérard Minet et les droits de l’Homme : l’insurrection de conscience

lundi 29 juin 2009

Extrait du 23 n°196 - été 2009.

Ancien Président de la MRES, secrétaire régional de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), Gérard Minet est un militant de la justice et des libertés depuis l’âge de 15 ans. Aujourd’hui, il se raconte un peu...

Que pouvez-vous nous dire sur vos actions à la LDH ?

Je mène avec la LDH des actions de sensibilisation et d’interpellation des autorités. Aussi bien sur des questions relatives à la citoyenneté, à la démocratie, au racisme qu’au sujet des droits économiques et sociaux. Je participe aussi depuis des années à des rencontres-interpellations à la Préfecture car c’est là qu’est le Pouvoir. J’ai souvent fait office de négociateur, de médiateur entre les autorités et les sans-papiers.

Quel chemin avez-vous parcouru jusqu’ici ?

J’ai commencé à militer à l’âge de 15 ans, alors que j’habitais Lille-Sud. Puis est venue la guerre d’Algérie : le rappel des jeunes du contingent, mais aussi le fait que ce soit une guerre coloniale. Le frère d’un copain a eu l’oeil éclaté sur une mine, il avait perdu une main. Quand on voit ça, ça donne vraiment des raisons de militer. Dans le quartier, on a créé un journal ronéoté, « Le Trouffion », destiné aux « appelés ». Ce fut politiquement et concrètement formateur.

L’action populaire se développait aussi sur d’autres pistes : à cette époque, personne n’avait de machine à laver. Une association a eu l’idée d’en faire circuler dans le quartier, sur des poussettes d’enfants. C’était matériellement utile et socialement constructeur. 

Mais il me manquait une formation d’analyse politique. J’ai alors adhéré à un parti, le PSU (Parti Socialiste Unifié), de 1965 à1974. J’ai ensuite adhéré à la LDH en 1977. Je m’y suis trouvé bien tout de suite. Avec les nouveaux adhérents, nous en avons fait une association de terrain.

Vous souvenez-vous d’un moment particulièrement enthousiasmant ?

En 1996, la fin de la première grève de la faim de sept immigrés guinéens, parents d’enfants français (à la MNE d’alors). C’était une situation aberrante. Ces gens n’étaient alors, selon la loi Pasqua, ni régularisables, ni expulsables. Nous nous sommes battus avec eux. Le tribunal nous donna raison, et ce fut une joie bien légitime. On a même obtenu l’engagement du préfet à régulariser les 350 étrangers dans la même situation dans le département. Mieux encore, la loi a changé, mettant fin à cette aberration. Ce fut une victoire nationale ! Ce jour là, j’ai dansé à la MNE avec Saïd Bouamama.

Et au contraire, d’un moment qui a pu vous chagriner ?

La deuxième ou troisième grève de la faim. Il y avait eu une trentaine de grévistes de la faim, et très peu de régularisations. J’avais suivi l’affaire avec le MRAP et la LDH, et on n’osait pas donner les résultats, tellement ils étaient nuls, décevants.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Il y a eu une grosse évolution dans la conception du militantisme, liée à l’individualisme, à une mobilisation plus ponctuelle… Les objectifs de liberté restent les mêmes. Nous avons aujourd’hui affaire dans ce pays à la politique la plus réactionnaire depuis Vichy. Mais je reste persuadé de l’universalité des droits de l’Homme : un dénominateur commun après le recul des idéologies. Je pense que le vrai progrès passe inéluctablement par le respect de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, et de la Déclaration Universelle de 1948.

Propos recueillis par Jérôme Lagae